La recherche et l’enseignement supérieur constituent le champ d’action privilégié du mécénat de Marie Arconati-Visconti. Ce dernier est essentiellement tourné vers les lettres, et plus particulièrement vers les sciences historiques.
En 1894, elle fait don à l’École des Chartes d’un fonds de bourses « Alphonse Peyrat ». La marquise est alors la première bienfaitrice de cette école qui enseigne les sciences auxiliaires de l’histoire depuis 1821 et dont elle a fréquenté les bancs. Marie Arconati-Visconti écrit au directeur Paul Meyer (1840-1917) et met en avant son goût pour l’histoire.
« Ayant toujours porté le plus vif intérêt aux études historiques, je désirais depuis longtemps donner une preuve de cet intérêt en faisant quelque création utile. Tout naturellement, j'ai pensé à en faire profiter l'Ecole que vous dirigez, Ecole qui a fait revivre en France, les saines traditions de critique et d'érudition des derniers siècles. » « Fondation Arconati Visconti », copie pour le Ministre de l’Instruction publique de la lettre de la marquise Arconati-Visconti au directeur de l’École des Chartes (Paul Meyer) du 22 mai 1894. AN, 19770496/14.
En 1911, la marquise donne 500 000 francs à l’Université de Paris afin d’aider tant la faculté des Sciences que celle des Lettres. Le recteur Louis Liard (1846-1917) décide d’utiliser ce montant pour fonder un Institut de Géographie. Enthousiaste, la marquise complète le financement par un nouveau don de 500 000 francs en 1912.
Après 1920, la marquise soutient plus directement les sciences et la médecine, notamment par la création de prix et la contribution à la fondation de l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg. C’est en outre une période durant laquelle la marquise est gravement malade : Paul Le Gendre (1854-1936) et quelques autres médecins la visitent régulièrement et elle est sous traitement quotidien à partir de 1922.
Parmi les dons consentis par la marquise, on note des livres, des manuscrits, voire des bibliothèques entières. En 1903, la marquise veut rendre hommage à Gaston Pâris (1839-1903), philologue éminent et administrateur du Collège de France, qui vient de décéder. Elle achète sa riche bibliothèque auprès de sa veuve pour en faire don à l’État. Cette bibliothèque d’histoire et de philologie est installée à l’École pratique des Hautes Études, après des aménagements également financés par la mécène.
La marquise fonde de nombreux prix et bourses. Tous portent en hommage le nom d’un être cher, d’un ami ou d’un savant admiré : « Alphonse Peyrat », « Raoul Duseigneur » ou « Auguste Molinier » qui récompense encore aujourd’hui la meilleure thèse soutenue chaque année à l’École des Chartes.
Plusieurs lauréats de ces récompenses envoient des lettres de remerciements à leur bienfaitrice, comme Fritz Braesch (1877-1949), alors professeur de lycée et troisième lauréat du prix Alphonse Peyrat en 1913, pour sa thèse sur La Commune du 10 août 1792.
La marquise finance aussi des travaux de recherches et certaines initiatives de professeurs titulaires ou de sociétés savantes. Elle crée par exemple un fonds « Alphonse Peyrat » au Collège de France. De 1908 à 1910, cette subvention finance les travaux des philologues Abel Lefranc (1863-1952), Joseph Bédier (1864-1938) et Alfred Morel-Fatio (1850-1924) et de l’historien de l’Antiquité romaine Camille Jullian (1859-1933). En 1910, le fonds profite au sinologue Édouard Chavannes (1865-1918) et à la Société asiatique de Paris qu’il préside. L’administrateur du Collège, Émile Levasseur (1828-1911), envoie un compte rendu annuel de leurs dépenses à la marquise.
Marie Arconati-Visconti fonde deux chaires d’histoire. L’une d’entre elles, créée en 1905 au Collège de France, est temporaire (cinq ans) : elle est destinée à Gabriel Monod.
La seconde est créée à l’Université de Paris en 1922. La chaire « Alphonse Peyrat » est un enseignement d’histoire de la littérature du XVIIIe siècle, qui suscite l’enthousiasme du recteur Paul Appell (1855-1930).
« Vous avez raison de penser que notre 18ième siècle a trop de détracteurs et qu’il faut le faire connaître à fond à notre jeunesse. Il est pour nos [jeunes] comme pour moi, le plus vivant, le plus intéressant, le plus charmant de toute notre histoire ; il est, en même temps, le siècle qui a eu le plus d’influence sur le développement moderne de l’Humanité. »
Lettre de Paul Appell à la marquise, 27 février 1922. MSVC 263 F. 1-2.
Enfin, la marquise est à l’origine de la fondation de deux Instituts de l’Université de Paris, celui de Géographie, en mémoire de son père (1912), dont elle suit le début des constructions, et celui d’Art et d’Archéologie, en mémoire de Raoul Duseigneur (1920), dont elle ne connaît que les plans car la construction a lieu après son décès.
Louis Liard, normalien et professeur de philosophie, est nommé recteur à Caen dès l'âge de 33 ans. Il travaille ensuite à la direction pour l'enseignement supérieur, au Ministère de l'Instruction publique, durant dix-huit ans, avant de devenir vice-recteur de l'Université de Paris en 1902. Son premier contact connu avec la marquise Arconati-Visconti date de 1906. Il l'invitait quelque fois à déjeuner parmi des convives universitaires et lui-même devint un habitué du salon des Jeudistes. Il connaissait ainsi les amis les plus proches de son hôte, comme Franz Cumont et Raoul Duseigneur.
« Vous serait-il agréable à vous et à M. Duseigneur et M. Franz Cumont, d'assister le samedi 5 juillet à 2heures 1/2 à la séance solennelle des Gens de Lettres, grand amphithéâtre de la Sorbonne ? Elle promet d'être intéressante [...]. Je puis vous envoyer 3 billets »
Lettre de Louis Liard à la marquise, 28 juin 1913, MSVC 281 F. 4514.
Lors de leurs rencontres, le recteur entretenait la marquise sur les possibilités de donations en faveur de la recherche. Il lui inspira plusieurs libéralités, dont le premier fut un don financier en 1911, pour les facultés des Lettres et des Sciences, qui fut employé à la fondation de l'Institut de Géographie. Ces donations donnèrent lieu à une lettre de l'épouse du recteur, qui écrivit, avec reconnaissance :
« Mon mari est rentré tout pâle et comme ivre de l'émotion que lui a causé votre communication de ce matin. Voulez-vous me permettre à moi qui suis sa compagne depuis plus de 40 ans, qui sais mieux que personne quel a été son labeur et son dévouement à l'institut public, de vous exprimer du fond du cœur ma profonde reconnaissance. Vous le récompensez bien au-delà de ce qu'il avait pu jamais rêver. Merci pour moi qui m'associe à toutes ses joies. »
Lettre d'Armanda Liard à la marquise, sd, MSVC 281 F. 4503.
Louis Liard aide également la marquise à préparer son testament. Elle avait pour lui de l'estime et de l'amitié, ce qu'elle manifeste en créant un prix de philosophie en à sa mémoire, à l'Institut des sciences morales et politiques.
« Vous savez dans quelle profonde affliction m'a plongée la mort de mon cher et grand ami Liard. Les desseins de cet homme admirable étaient à la hauteur de son caractère et de son intelligence : pour aider à la réalisation de ses projets, j'ai institué pour mon héritière la noble université qu'il dirigeait si glorieusement. »
Lettre de la marquise au recteur Lucien Poincaré, 18 octobre 1917, MS 1940 F. 4.