Interprétations occidentales
La première apparition du Japon sur une carte européenne se situe un siècle avant qu'un Européen ne foule le sol d'une de ses îles. Le moine bénédictin Fra Mauro inclut une île « Ixola de Cimpagu » dans sa carte manuscrite du monde (1459) en se fondant sur la relation du voyage de Marco Polo. Au cours des décennies qui suivent les premiers contacts européens avec le Japon, les cartes imprimées sont fortement influencées par les portulans dessinés par les navigateurs qui ont visité le Japon. Ces derniers incluent le plus souvent des données empiriques mais aussi des informations livrées par des documents chinois, coréens ou japonais collectés par leurs auteurs.
En 1595, Abraham Ortelius ajoute dans la dernière édition de son atlas Theatrum orbis terrarum une nouvelle carte intitulée « Japoniae insulae descriptio », largement reconnue comme la première représentation relativement précise des îles japonaises. Elle a été l'objet de multiples études et débats entre européens et asiatiques. Le document qui lui aurait servi de source, acquis en février 1592 auprès du cartographe portugais Luis Teixeira, d'après la lettre conservée évoquant cette transaction, suscite encore aujourd'hui hypothèses et questionnements. S'agissait-il d'une carte japonaise de type « Gyōki » ? D'une carte élaborée par ou à partir des données recueillies par Inacio Moreira, seul européen versé dans l'art de la cartographie connu pour avoir exploré le Japon dans les années 1580-1590 ? Le document transmis par Teixeira à Ortelius était probablement une synthèse entre les connaissances acquises par les Portugais concernant la partie ouest du Japon et des sources locales notamment exploitées pour la toponymie.
Compilée à la fin du XVIe s., la carte d'Ortelius exerce une influence durable sur la cartographie européenne du Japon tout au long du XVIIe s. et jusque dans le premier quart du XVIIIe s. Bien que plus récente et précise, la carte gravée par Christophorus Blancus (Rome, 1617) – à partir d'une carte d'Inacio Moreira aujourd'hui perdue – connaît une moindre diffusion.
Durant le premier quart du XVIIIe s., plusieurs cartes se revendiquant d'inspiration japonaise sont imprimées en Europe. La carte dressée par l'orientaliste néerlandais Adrian Reland, publiée pour la première fois par Willlem Broedelet (Utrecht, 1715), sous le titre latin Imperium Japonicum est par la suite intégrée dans nombre d'atlas. Elle est copiée dans le Recueil de voiages au Nord de Jean-Frédéric Bernard sous le titre « Le Japon divisé en soixante-six provinces » et figure dans toutes les éditions de l'Atlas historique d'Henri-Abraham et Zacharie Châtelain, avec les noms de province apparaissant sous deux formes : en kanji (un des ensembles de caractères utilisés par l'écriture japonaise), d'une part ; rendus phonétiquement en langue néerlandaise, d'autre part. Sa source cartographique, qui selon le texte accompagnant l'édition de Broedelet provenait de la bibliothèque de Benjamin Dutry, ancien directeur de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, a été identifiée comme une carte de type Ryūsen.
Il en va de même pour la carte gravée sur cuivre, publiée pour la première fois dans la version anglaise de l'ouvrage du physicien et naturaliste allemand Engelbert Kaempfer : History of Japan (Londres, 1727). Tirée par le traducteur Johann Caspar Scheuchzer d'une gravure sur bois rapportée par Kaempfer du Japon, elle a initialement été dessinée à partir de la carte japonaise Shinsen Dai Nihon Zukan. Centrée sur les principales îles de l'archipel, Honshū (« Nipon »), Kyūshū (« Kiusiu »), Shikoku (« Sikoke ») et un morceau d'Hokkaidō (« Jesogasima »), elle montre un Japon divisé en 68 provinces, désignées par leurs noms en kanji et la transcription de ces derniers en alphabet latin. Le document intègre en outre une petite carte du Kamtchatka élaborée d'après des sources russes (celle-ci englobe l'archipel des Kouriles) et une carte du détroit situé entre l'île principale de Honshū et Hokkaidō au nord. Une boussole marine japonaise est également représentée ainsi que des dieux japonais, parmi lesquels un « Neptune Japonais » (Neptunus Japonus), protecteur des mariniers, des pêcheurs et des marchands, figuré en train de pêcher.
Cette carte est à son tour copiée, notamment par Jacques-Nicolas Bellin en 1735, sans les encadrés et avec certains changements, en particulier, dans le rendu de la côte nord. Jusqu'à la fin du XVIIIe s., ainsi retouchée, elle demeure l'une des plus répandues, en raison notamment de sa présence dans l'Histoire générale des voyages publiée à maintes reprises et en diverses langues dans toute l'Europe. À la même époque, les travaux de Jean-Baptiste Bourguignon d'Anville marquent un certain progrès dans la représentation de l'espace maritime japonais mais ils prennent appui sur d'autres sources : les relations des Jésuites installés en Chine.
Il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour qu'une représentation vraiment précise de l'archipel sorte des presses occidentales avec la publication de la carte de Philipp Franz Siebold, dessinée à partir de travaux d'Inō Tadataka. Officiant à Dejima au milieu des années 1820, le médecin allemand a obtenu ces précieux éléments auprès de Takahashi Sakuzaemon (Kageyasu), astronome de la cour du shōgun, en échange d'ouvrages occidentaux alors rares sur le territoire nippon. Découvert en 1828, l'échange vaut à l'astronome d'être condamné à une lourde peine de prison et au médecin d'être expulsé. Rentré à Leyde, Siebold publie la carte dont il a eu le temps de prendre copie avant l'« affaire » dans son imposant Nippon. Archiv zur Beschreibung von Japan und dessen Neben- und Schutzländern: jezo mit den südlichen Kurilen, Krafto, Koorai und den Liukiu-Inseln, édité en sept volumes entre 1832 et 1852.