Enseigner à Paris au XVIᵉ siècle
Ramus et le ramisme
La dialectique de M. Pierre de La Ramee, 1576 [RRA 6= 53]
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Pierre de La Ramée, dit Ramus, est né en 1515 en Picardie et mort assassiné à Paris, en 1572, le troisième jour du massacre de la Saint-Barthélemy. Principal de collège et lecteur royal, il fut le promoteur d’un nouvel organon alternatif à la logique scolastique, pièce maîtresse d’une réforme de l’université de Paris qui devait s’étendre à l’ensemble des disciplines universitaires. Il fut aussi un acteur de la politique de la Réforme qu’il avait embrassée dans les années 1560.
Son importance dans l’historiographie, bien au-delà de ses propres ouvrages, vient de sa critique publique d’Aristote qui lui valut l’interdiction d’enseigner la philosophie et de publier des textes philosophiques de la part de François Ier et de sa destinée posthume dans le ramisme. Celui-ci s’est rapidement répandu dans l’Europe réformée et en Nouvelle Angleterre, où il a joué un rôle majeur dans la formation des esprits jusqu’au XVIIe siècle, sous la forme d’un encyclopédisme fondé sur l’unité de la méthode, et d’une dialectique à caractère mathématique dans ses dernières formulations.
Christoffel Van Sichem, Petrus Ramus, Museum of Fine Arts, Houston
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L'homme
« Ramus était grand, d’une taille un peu supérieure à la moyenne, son port était droit et élégant, sa stature assez massive et solide, et bien proportionnée ; la peau brune, moins sombre qu’insuffisamment claire pour un français, de sorte qu’on pouvait le prendre pour un Italien ou pour un Espagnol. Une grosse tête, des cheveux sombres, une barbe noire, hirsute, dense, ample et généreuse, un ventre un peu proéminent, des yeux brillants tirant sur le noir, un nez aquilin, un large front, un visage noble et une bouche gracieuse, qui esquissait presque toujours un sourire ».
Peter Sharratt, « Nicolaus Nancelius, Petri Rami vita, edited with an english translation », Humanistica Lovaniensia, Journal of Neo-Latin Studies, XXIV, 1975 (p. 161-369), p. 226.
L'itinéraire de Ramus dans la topographie des collèges parisiens
Ramus est l’homme d’une seule ville, Paris, d’un seul quartier, celui des Écoles, et le prince d’un seul royaume, le Collège de Presles qu’il dirigea de 1545 à 1568 et qu’il appelait son « Royaume de Presles ». L’étudiant pauvre, qui quitte sa Picardie natale pour venir étudier à Paris en gagnant sa vie comme domestique d’un camarade noble au Collège de Navarre, obtient sa maîtrise ès arts en 1537. Il enseigne alors successivement dans les Collèges parisiens du Mans, d’Hubant, dit de l’Ave Maria, avant de s’installer au Collège de Presles et, en qualité de lecteur royal, de tenir des leçons au Collège de Cambrai. Il n’a quitté le Quartier latin que trois fois, pour se mettre à l’abri des troubles religieux aux alentours de Paris, et pour une tournée de deux ans dans les universités protestantes de Suisse et d’Allemagne, de 1568 à 1570.
Plan de l'itinéraire de Ramus dans les collèges parisiens, d'après le Plan topographique de la montagne Ste-Geneviève à Paris du XVIe au XIXe, Gallica/BnF. Consulter le plan interactif ici.
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« Il semble donc que la jouissance des privilèges universitaires dépendît, non seulement de l’appartenance corporative, comme on l’a toujours su, mais aussi du fait d’habiter sur la rive gauche de la Seine, à l’intérieur de l’enceinte de Philippe Auguste, ou sur l’île de la Cité. Il existerait donc un véritable territoire de l’Université de Paris, dont les limites découlaient de l’histoire même des écoles parisiennes, nées autour du cloître Notre-Dame, puis qui s’étaient déportées sur la rive gauche vers la montagne Sainte-Geneviève ».
Serge Lusignan, Vérité garde le roy. La construction d’une identité universitaire en France (XIIIe-XVe siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p. 135.
L’université « exerce des droits sur le Pré-aux-Clercs, vaste étendue non bâtie située à l’ouest de la ville et comprise entre l’enceinte de Philippe Auguste, la Seine et l’Abbaye Saint-Germain-des-Prés ».
Christian Hottin, « La constitution de l’espace universitaire parisien (XIIIe-XVIIIe siècle) : jalons pour la redécouverte d’un patrimoine », In situ. Revue des patrimoines 17 : Les patrimoines de l’enseignement supérieur, 2011, en ligne.