La Première guerre et l'entre-deux-guerres
Évolution des effectifs
La Première guerre mondiale provoque une brusque accélération dans cette évolution, la proportion de femmes inscrites dans les facultés parisiennes s’établissant à 26 % en 1915. Ce bond spectaculaire n’est toutefois pas dû à un afflux d’étudiantes, dont le nombre se réduit en valeur absolue, mais à la chute brutale des effectifs masculins qui, en raison du contexte, diminue soudainement des trois-quarts.
Si les statistiques de 1920 semblent signer le retour à l’équilibre d’avant-guerre (15 % de femmes dans la population étudiante parisienne), les femmes reprennent leur marche conquérante, favorisée deux ans plus tard par le décret Léon Bérard qui consacre l’alignement de l’enseignement secondaire féminin sur celui des garçons.
Les bachelières françaises sont de plus en plus nombreuses : en 1914, elles représentent 6 % de l’ensemble des reçus; en 1926, cette proportion passe à 18% avant de s’établir à 38% en 1938.
Et ces bachelières se transforment, de plus en plus souvent, en étudiantes : à Paris, leur nombre triple pratiquement entre 1920 et 1935 pour atteindre 9 200 inscrites, soit 28 % des effectifs étudiants.
Des femmes diplômées
À la veille de la Seconde guerre mondiale, on peut désormais parler d’une généralisation de l’accès des femmes à l’université française, et à l’université de Paris en particulier.
Le chemin parcouru depuis la fin du Second Empire se mesure également à l’augmentation du nombre de diplômées, même si d’importantes disparités s’observent selon les disciplines.
Entre 1868 et 1928, 3 523 diplômes de licence ont été obtenues par des femmes à l’université de Paris : 991 en Droit, 1 026 en Sciences, 1 506 en Lettres.
Entre 1888 et 1930, 1 373 étudiantes y ont été reçues docteurs : 65 en droit, 1065 en médecine, 17 en pharmacie, 142 en lettres, discipline où les deux premières soutenances féminines ne sont cependant intervenues qu’en 1914.
En 1871 déjà, la première bachelière de France, Julie-Victoire Daubié, prépare une thèse de doctorat sur la condition de la femme dans la société romaine après l'obtention de sa licence de lettres. Elle décède de la tuberculose en 1874 sans avoir pu l'achever.
Quarante années passent avant que Jeanne Duportal et Léontine Zanta soutiennent chacune leur thèse la même année, la première sur les livres à figures édités en France de 1601 et 1660, la seconde sur La renaissance du stoïcisme au XVIe siècle.
Les limites de l'université
Cependant, le mouvement engagé montre encore à cette étape bien des limites.
Avant la Seconde guerre, l’accès à la fonction professorale demeure une exception. Seule Marie Curie se voit confier une chaire de titulaire avant la Première guerre Mondiale. Encore le doit-elle en partie à des circonstances exceptionnelles, la mort accidentelle de Pierre Curie privant brutalement l’université de celui qui occupait depuis dix-huit mois la chaire de physique spécialement créée pour lui.
Il faut ensuite attendre la période de l’entre-deux-guerres pour voir quelques femmes accéder aux postes d’enseignants titulaires.
À la Faculté des sciences, Pauline Ramart-Lucas occupe une chaire de chimie organique à partir de 1935. Deux ans plus tard, Irène Joliot-Curie est promue maître de conférence en remplacement de son mari, nommé professeur au Collège de France avant d'accéder en 1946, à la chaire de physique générale et radioactivité.
La Faculté des lettres doit, quant à elle, attendre 1947 pour compter sa première professeure titulaire, en la personne de Marie-Jeanne Durry.
Auparavant, plusieurs candidatures féminines à des maîtrises de conférence ont successivement échoué en 1934, 1936 et 1937 et, à défaut d’avoir pu accéder à un poste de professeur en Sorbonne, Germaine Rouillard est devenue la première femme titulaire d'une chaire à l'École pratique des hautes études (philologie byzantine).
Suzanne Bastid, épouse et fille de professeurs de droit, est la première femme à enseigner comme professeur dans une faculté de droit mais c’est à Lyon qu’elle exerce d’abord, à partir de 1933, avant d’occuper une chaire à la faculté de Paris, à partir de 1946.
Première femme agrégée de médecine, en 1934, Jeanne Lévy est aussi, à partir de 1959, la première femme à occuper une chaire à la Faculté de médecine de Paris.