MS 24

Page de manuscrit médiéval à deux colonnes serrées, la première plus courte de deux lignes. La deuxième colonne commence par une large lettrine P dont la hampe rouge et bleue court presque tout le long de la colonne. Dans le rond du P, scène montrant sur fond d'or l'apôtre Paul assis les deux mains levées devant trois personnes dont seule la première est vraiment visible et lui parle le doigt levé . Titre courant "ROM." rubriqué rouge et bleu en marge supérieure.

Cote : Paris, Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne, MS 24

Notice CALAMES : http://www.calames.abes.fr/pub/ms/UNIA10023

Numérisation NuBIS : https://nubis.univ-paris1.fr/ark:/15733/mvbc

Auteur(s) et Titre(s) : Epistolae Pauli (Rom.-Heb.) ; Petrus Lombardus, Glossa in Epistolas beati Pauli (sive Collectanea)

Date : deuxième quart du xiiie siècle (1226-1250)

Origine : Paris ou France du Nord

Langue : lat

 

Description physique

Support : parchemin.

Nombre de ff. : II, 286 ff., II’. Foliotation moderne en chiffres arabes au crayon dans la marge sup. externe.

Dimensions : 440 x 305 mm (justif. 238 x 158 mm).
Réglure : Réglure à la mine de plomb (Muzerelle 22-22-2-2-2/2-2/1-1/J) ; 51 lignes sur deux à quatre colonnes. Piqûres visibles en correspondance des lignes verticales de justification. Souvent disposé en îlots entourés du commentaire, le texte biblique est copié dans un module double de celui utilisé pour le commentaire.

Codicologie : 26 cahiers s’ouvrant sur le côté chair : i-iii10 (fol. 1-10, 11-20, 21-30), iv8 (fol. 31-38), v-xi12 (fol. 39-50, 51-62, 63-74, 75-86, 87-98, 99-110, 111-122), xii10 (fol. 123-132), xiii-xvii12 (fol. 133-144, 145-156, 157-168, 169-180, 181-192), xviii8 (fol. 193-200), xix-xxv12 (fol. 201-212, 213-224, 225-236, 237-248, 249-260, 261-272, 273-284), xxvi2 (fol. 285-286 un bifeuillet mutilé). Réclames horizontales visibles en fin des cahiers xii-xv et xix (respectivement fol. 132v, 144v, 156v, 168v, 212v).

Écriture : Écriture gothique d’une seule main pour le texte biblique et pour le commentaire. Le texte biblique a été copié dans un module double de celui utilisé pour le commentaire de Pierre Lombard.

Décoration :
Pour le texte biblique, 14 initiales historiées au début de chaque épître, réalisées dans un atelier parisien des années 1220-1250. L’iconographie est assez stable : saint Paul assis avec l’épée dans la main gauche et l’index de la main droite pointé vers le haut (fol. 72va, 125ra, 204rb, 223ra, 235rb, 246ra) ou, à l’inverse, avec l’épée dans la main droite et l’index de la main gauche pointé vers le haut (fol. 153rb, 176ra, 191rb, 211ra, 218va, 242rb), sur fond d’or, habillé d’une tunique rouge et d’un manteau bleu. Il est inscrit dans la panse du p (Paulus), dont l’encadrement et la hampe allongée sont à décor géométrique bleu, rose ou rouge, plus rarement avec des détails en vert, parfois enrichis de besants ou se terminant avec un dragon ou une figure hybride. Deux initiales se détachent de cette iconographie, mais sont réalisées dans le même style : au fol. 2rb (Paulus, début de Rom.), Paul tient une croix dans la main gauche et instruit un groupe d’auditeurs ; au fol. 247va (Multiphariam, début de Heb.), dans la partie gauche de l’enluminure, Moïse bicorne tient en main vraisemblablement les tables de la Loi : dans la partie droite de l’enluminure, un groupe d’hommes l’écoute. Également, pour le texte biblique, initiales de couleur filigranées, bleues ou rouges, en alternance.

Pour le commentaire, au début de chaque épître, initiales décorées à entrelacs végétaux sur fond rose et bleu ; initiales secondaires de couleur, bleue ou rouge en alternance ; lemmata soulignés en rouge.

Titres courants en lettres alternées, bleues et rouges (référence erronée aux fol. 76r et 77r : « Rom. » au lieu de « I Cor. »). Dans les marges : numéros de chapitre du texte biblique ; noms abrégés, à l’encre rouge, des auctoritates majoritairement patristiques, parfois aussi des œuvres citées dans le commentaire ; références aux passages bibliques parallèles ; maniculae et signes de nota bene. Les éléments marginaux deviennent moins fréquents (voir disparaissent) au cours du commentaire à Gal., pour reprendre à II Tim.

Reliure : demi-reliure du xixe siècle sur ais de carton couverts de papier marbré, dos en peau claire et étiquette en cuir brun avec titre en lettres dorées « PAULI EPISTOLAE ». Contre-gardes et gardes en papier.

 

Description (contenu)

Le ms. transmet le commentaire de Pierre Lombard aux quatorze épîtres attribuées à s. Paul : tous les argumenta sont aussi transmis sauf ceux de Rom. et de I Cor.

Fol. 1ra-2rb : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolas beati Pauli. Praefatio (PL 191, col. 1297A-1302C).

« Principia rerum requirenda … - … premittit autem salutationem dicens ».

Fol. 2rc-72rb : Rom.

Fol. 2rd-72vb : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Romanos (PL 191, col. 1301C-1534A).

Fol. 72vb-125rb : I Cor.

Fol. 72va-124vd : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam I ad Corinthios (PL 191, col. 1533C-1696C).

Fol. 125rb-153rb : II Cor.

Fol. 124vd : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam II ad Corinthios. Argumentum (PL 192, col. 9A).

Fol. 124vd-153ra : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam II ad Corinthios (PL 192, col. 9A-94B).

Fol. 153rd-175vc : Gal.

Fol. 153ra-b : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Galatas. Argumentum (PL 192, col. 93C).
Fol. 153ra-175vc : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Galatas (PL 192, col. 93C-170A).

Fol. 176rb-191rb : Eph.

Fol. 175vc-d : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Ephesios. Argumentum (PL 192, col. 169B).

Fol. 176ra-191rb : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Ephesios (PL 192, col. 169B-222C).

Fol. 191rd-200vc : Phil.

Fol. 191rc-d : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Philippenses. Argumentum (PL 192, col. 221D).

Fol. 191rc-200vd : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Philippenses (PL 192, col. 222D-258C).

Fol. 201rc-210vc : Col.

Fol. 201ra-b : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Colossenses. Argumentum (PL 192, col. 257D).

Fol. 201ra-210vd : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Colossenses (PL 192, col. 257D-288D).

Fol. 211rb-218va : I Thess.

Fol. 210vc-d : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam I ad Thessalonicenses. Argumentum (PL 192, col. 287D-288D).

Fol. 211ra-218vb : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam I ad Thessalonicenses (PL 192, col. 288D-312A).

Fol. 218va-223rd : II Thess.

Fol. 218vb : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam II ad Thessalonicenses. Argumentum (PL 192, col. 311A-B).

Fol. 218vb-223rc : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam II ad Thessalonicenses (PL 192, col. 311B-326B).

Fol. 223rd-235rd : I Tim.

Fol. 223rc : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam I ad Timothaeum. Argumentum (PL 192, col. 325C).

Fol. 223rc-235rd : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam I ad Timothaeum (PL 192, col. 325C-362D).

Fol. 235rd-242rd : II Tim.

Fol. 235rc-d : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam II ad Timothaeum. Argumentum (PL 192, col. 363A).

Fol. 235rc-242ra : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam II ad Timothaeum (PL 192, col. 363A-384A).

Fol. 242rd-246rb : Tit.

Fol. 242ra et rc : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Titum. Argumentum (PL 192, col. 383B).

Fol. 243rc-246ra : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Titum (PL 192, col. 383B-394D).

Fol. 246rb-247va : Philem.

Fol. 246ra-b : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Philemonem. Argumentum (PL 192, col. 393D).

Fol. 246ra-247rc : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Philemonem (PL 192, col. 394D-398D).

Fol. 247va-286vc : Hebr.

Fol. 247rc et 247va-b : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Hebraeos. Argumentum (PL 192, col. 399A-B).

Fol. 247vb-286vd : Petrus Lombardus, Glossa in Epistolam ad Hebraeos (PL 192, col. 399B-520A).

Provenance :

Au fol. 1r, estampille du Collège Louis-le-Grand.

Anciennes cotes : « 189.6.1 », « M.S. t. I, 26 », « No 31 ».

Bibliographie du ms. :

Le ms. n’est recensé ni dans le Repertorium biblicum de Stegmüller, ni dans les autres répertoires bibliographiques (MEL, BAMAT, Scriptorium).

 

Commentaire

Des traces de lecture et d’étude du manuscrit

Le manuscrit a été réalisé avec beaucoup de soin et a été enrichi de fines enluminures et décorations. Néanmoins, certains éléments marginaux révèlent qu’il n’a pas été conçu uniquement comme un objet de luxe à conserver dans une bibliothèque ou à admirer comme une œuvre d’art. Les épîtres pauliniennes et le commentaire de Pierre Lombard qui les accompagne ont été habilement combinés sur chaque page pour être lus (peut-être même devant un public d’auditeurs) et étudiés. Cela est démontré par un certain nombre d’éléments ajoutés pour faciliter l’orientation du lecteur dans le texte biblique, tels que les titres courants dans la marge supérieure, qui annoncent quelle épître est contenue dans chaque page, et la numérotation dans les marges des chapitres de chaque épître avec l’ajout de références à des passages parallèles dans la Bible. Dans le cas du commentaire de Pierre Lombard, le copiste a décidé d’en faciliter l’étude en soulignant en rouge les versets commentés et en ajoutant dans la marge l’indication des auteurs et des œuvres cités par Pierre Lombard.

D’autres éléments marginaux montrent que le manuscrit a effectivement été lu et étudié dans la période qui a suivi sa production. Il s’agit, tout d’abord, des notes de rappel (maniculae et nota bene) ajoutées par un ou plusieurs lecteurs, non identifiés, dans les marges des passages qui les intéressaient. En deuxième lieu, des annotations à la mine de plomb, dont quelques schémas à arbre, ont été ajoutées dans les marges du texte biblique, en particulier au texte de l’Épître aux Romains (par ex. au bas des fol. 10r, 26r, f. 212r, etc.) : elles résument souvent en quelques mots le contenu du commentaire de Pierre Lombard. Enfin, on relève de rares annotations marginales à l’encre, par ex. aux fol. 1v et 201v. Au fol. 1r, un catalogueur moderne a ajouté un titre sommaire du contenu du manuscrit : « Omnes Pauli epistolae cum commentariis ».

Une édition commentée des épîtres pauliniennes

Le manuscrit contient les quatorze épîtres attribuées à Paul ainsi que le commentaire correspondant par Pierre Lombard, les Collectanea. Bien que l’atelier spécifique de production soit inconnu, les caractéristiques paléographiques, codicologiques et artistiques du manuscrit nous amènent à situer son origine dans le nord de la France dans le deuxième quart du xiiie siècle. Le texte biblique et le commentaire ont été habilement combinés en adoptant la structure codicologique de l’édition commentée. Cette méthode était déjà connue en Europe occidentale depuis la fin du viiie siècle, mais n’a été largement utilisée qu’à partir de la fin du xie siècle avec la diffusion de la Glossa ordinaria, dont ce manuscrit reproduit la mise en page, mais pas le contenu. Ce sont les élèves directs de Pierre Lombard, et en particulier Herbert de Bosham, qui se sont chargés de la publication des Collectanea dans les années qui ont suivi la mort du maître en 1160. C’est également à eux que l’on doit la décision de diffuser les Collectanea dans la mise en page d’une édition commentée, souvent enrichie d’initiales historiées et d’aides à la lecture, que l’on retrouve également dans ce manuscrit et qui sont décrits ci-dessus. La praticité d’une telle mise en page, qui réunit en un seul livre le texte biblique et son commentaire, la beauté des manuscrits souvent agrémentés de miniatures raffinées, l’autorité reconnue et la nouveauté de l’exégèse produite par Pierre Lombard ont assuré aux Collectanea une diffusion immédiate et massive.

Les Collectanea de Pierre Lombard, une source scolastique majeure

Les explications qui accompagnent le texte des épîtres pauliniennes sont toutes tirées du commentaire correspondant de Pierre Lombard (vers 1095-1160), théologien d’origine nord-italienne qui fut chanoine et maître du chapitre de Notre-Dame de Paris à partir de 1145 environ, puis évêque de la ville dans les dernières années de sa vie. Pierre jouissait d’une grande renommée pour son travail d’enseignant et de prédicateur. Il a écrit de volumineux ouvrages exégétiques et théologiques qu’il utilisait dans ses cours et qu’il a continué à réviser tout au long de sa carrière. Son œuvre la plus célèbre en quatre livres est connue sous le titre de Sententiae. Son commentaire sur les épîtres pauliniennes (Collectanea) nous est connu dans deux rédactions, dont la seconde, achevée entre 1155 et 1158, a été transmise dans ce manuscrit sous la forme d’un commentaire marginal. Dans les Collectanea, Pierre attache une grande importance au contexte historique précis dans lequel l’apôtre Paul a écrit les épîtres, ainsi qu’à ses intentions et à ses destinataires originaux. Cette approche exégétique le conduit à relativiser la validité d’une partie de la doctrine paulinienne lorsqu’elle est appliquée à des contextes historiques différents, et en particulier à celui où vivait Pierre Lombard. Herbert de Bosham, élève de Pierre, a préparé une édition des commentaires exégétiques de Pierre Lombard sur les Psaumes et les épîtres pauliniennes, les décrivant comme « magna glosatura ». Environ un siècle après la mort du maître parisien, Aubry de Trois-Fontaines rappelle dans sa Chronica comment l’œuvre exégétique de Pierre Lombard était utilisée dans les écoles sous le nom de « maior glossatura ». C’est en ces termes qu’elle se distinguait de la Glossa ordinaria issue de l’école de Laon et de la glosatura dite media produite par Gilbert de Poitiers. Les Collectanea sont immédiatement devenues un classique de la théologie scolastique et ont exercé une influence considérable sur la pensée philosophique et théologique du Moyen Âge tardif.

Bibliographie complémentaire :

Marcia L. Colish, « Peter Lombard as an Exegete of St. Paul », Ad litteram : Authoritative Texts and Their Medieval Readers, M. D. Jordan, K. Emery Jr. (éd.), Notre Dame/IN, 1992, p. 71-92.

Marcia L. Colish, Peter Lombard, 2 vols., Leiden, 1994.

Marcia L. Colish, « Faith in Peter Lombard’s Collectanea », « Fides virtus » The Virtue of Faith from the Twelfth to the Early Sixteenth Century, M. Forlivesi, R. Quinto, S. Vecchio (éd.), Münster, 2014, p. 39-52.

Ursula Nilgen, « Die frühen illuminierten Lombardus-Kommentare zum Psalter und zu den Paulusbriefen », Bibel und Exegese in der Abtei Saint-Victor zu Paris. Form und Funktion eines Grundtextes im europäischen Rahmen, R. Berndt SJ (éd). Münster, 2009, p. 391-419.

Mark. A Zier, « Peter Lombard and the Glossa ordinaria on the Bible », A Distinct Voice. Medieval Studies in Honor of Leonard E. Boyle, O.P., J. Brown, W. P. Stoneman (éd.), Notre Dame/IN, 1997, p. 629-641.

 

Signature : Notice rédigée par Cinzia Grifoni (novembre 2021) dans le cadre du projet LEGETIMAM financé par Sorbonne Université.