Les techniques mises en œuvre pour prévenir l’aggravation des altérations

Le repérage des altérations à caractère évolutif, qu’elles concernent les feuillets ou les reliures, a été suivi d’interventions rigoureusement définies, tant du point de vue du choix des matériaux que de leurs modalités de mise en œuvre. Les matériaux utilisés en conservation répondent, en effet, à des normes strictes : ils doivent être stables chimiquement dans le temps et compatibles avec les matériaux originaux. Les techniques employées doivent également permettre la réversibilité de l’intervention, c’est-à-dire que la consolidation doit pouvoir, si besoin, être retirée ultérieurement, sans altérer les matériaux d’origine, par un autre restaurateur. La documentation de l’intervention joue donc un rôle primordial pour atteindre cet objectif de réversibilité.

Réparations de déchirures de feuillets de parchemin

Concernant les déchirures présentes sur les feuillets de parchemin, le protocole de consolidation a consisté, selon la zone à traiter, à fixer sur le feuillet un matériau d’apport, papier japonais ou baudruche appelé « golbeater’s skin ». Ce matériau d’apport a pour fonction de soutenir les deux bordures de la déchirure, placées bord à bord, au moyen d’un adhésif choisi pour ses propriétés chimiques et mécaniques. Cet adhésif doit permettre un collage suffisant, sans être trop fort, afin d’éviter la création de nouvelles tensions sur les pourtours de la déchirure.

 

Feuillet de manuscrit largement lacunaire au coin gauche, et bordé de déchirures sur tous les côtés, qui ont été comblées par du papier japonais apparaissant en blanc sur le jaune-brun du parchemin. 4 colonnes de texte, les premières et troisièmes avec texte en gros module et une initiale filigranée, les 2e et 4e en plus petit module.

Consolidation des déchirures (MS 24).

Le feuillet après restauration, avec consolidations mises au ton pour se fondre dans le jaune-brun du parchemin.

Feuillet après mise au ton des consolidations (MS 24).

Dans certains cas, il a fallu, au préalable, procéder au retrait d’adhésifs appliqués à l’occasion de restaurations anciennes. Afin d’éviter d’endommager l’écriture manuscrite présente sous l’adhésif, le décollage a été précédé, en fonction de la nature de l’adhésif, d’un apport d’eau ou de solvant. Cet apport a été réalisé sous forme de gel pour limiter au strict minimum la quantité de liquide susceptible, à trop forte dose, de modifier la structure du parchemin.

 

Fragment d'un feuillet du Ms 24 largement lacunaire sur la partie droite, sur lequel on voit une vieille bande d'adhésif collée. Le texte présente une belle initiale P montrant saint Paul instruit par un ange, de couleurs bleu et rouge sur fond d'or.

Présence d’un ruban adhésif sur un feuillet (MS 24).

Fragment d'un feuillet du Ms 24 largement lacunaire sur la partie droite, sur lequel on voit que la vieille bande d'adhésif a été décollée. Le texte présente une belle initiale P montrant saint Paul instruit par un ange, de couleurs bleu et rouge sur fond d'or.

Feuillet après retrait du ruban adhésif (MS 24).

Consolidations de reliures anciennes

Concernant les reliures anciennes, en particulier celles datant de l’époque médiévale, le protocole d’intervention, déterminé au cas par cas, a été conçu de manière à préserver au maximum leur état originel.  Dans ce but, des consolidations très localisées ont été réalisées sur les points de fragilité. Certaines déchirures présentes sur les couvrures en cuir ont par exemple été réduites par la pose de petites pattes de renforts positionnées au verso du matériaux de couvrure.

Gros plan sur la queue du Ms 156 ouvert à 120 degrés, montrant les cahiers de parchemin cousus dans la reliure sur ais couverte de cuir brun. Une petite patte de renfort en papier japon blanc a été apposée sur la coiffe intérieure.

Consolidation du mors de queue (MS 156).

Gros plan sur le dos et la tranche inférieure du Ms 151, manuscrit dans une reliure du dix-huitième siècle. Le dos à décor doré déchiré à la coiffe a été renforcé par l'insertion de papier japonais blanc.

Consolidation de la coiffe (MS 151).

Très gros plan sur la coiffe du Ms 693, reliure médiévale couverte de peau déchirée. Un carré rouge montre l'endroit où une patte de renfort a été apposée. On aperçoit le bord de la page de garde et le rabat de parchemin de couvrure, tous deux déchirés.

Pose de pattes de renfort au niveau de la coiffe (MS 693).

Les consolidations préalables à la numérisation ont parfois également porté sur les coutures. Les matériaux utilisés pour réaliser les coutures d’origine - du cuir pour les supports de couture et du fil de lin pour la couture -, se fragilisent en effet en vieillissant. Cette fragilisation est la conséquence de processus de dégradation chimique conjugués aux tensions mécaniques qui se sont exercées à l’occasion de la consultation des manuscrits (ouvertures et fermeture de la reliure). Il n’est donc pas rare d’observer des zones de fragilité, voire de rupture, de ces éléments. Les interventions effectuées visent à arrêter les dégradations tout en conservant ces éléments en place :  consolidations locales des supports de couture à l’aide de cuir neuf (photo) et rattachement des cahiers détachés à l’aide d’un nouveau fil de couture.

Gros plan sur le Ms 12 ouvert sur sa première page à 120 degrés. On voit les renforts de cuir blanc posés sur les coutures. A gauche la page de garde ancienne avec trous en haut, étiquette et inscriptions postérieures. A droite,  le texte en deux colonnes avec le titre courant "LEVIT." et un ruban bleu et rouge courant entre les deux colonnes en partie inférieure. Le quart en bas à droite de la page est vide de texte et présente seulement le cachet de l'ancien collège Louis-le-Grand et une cote ancienne.

Consolidation des supports de couture (MS 12).

Très gros plan sur le même manuscrit Ms 12 ouvert à la même première page, montrant quelques centimètres de la couture qui fait apparaître un renfort posé par la restauratrice. On aperçoit des lettres filigranées bleu et rouge en bordure de la colonne de la première page. Annotations marginales postérieures en cursive.

Consolidation des supports de couture – détails (MS 12).