Les techniques mises en œuvre pour améliorer la lisibilité des documents

  1. Dépoussiérage et gommage
  2. Mises à plat de feuillets
  3. Confection de nouvelles reliures de conservation

Dépoussiérage et gommage

Les opérations les plus courantes ont consisté à dépoussiérer et gommer tout ou partie des feuillets constitutifs des corps d’ouvrage. Elles ont été réalisées à l’aide d’équipements (pinceaux, chiffons, brosses et aspirateurs spécifiques) et de matériaux (gommes en bloc ou en poudre), exempts de substances ou résidus nocifs, non abrasifs et adaptés à la fragilité des documents.

Gros plan sur le haut d'une première page de manuscrit, où apparaît la main de la restauratrice en train de passer un chiffon doux en bordure pour dépoussiérer. En dessous, une large lettrine U sur fond bleu à rinceaux bleu et blanc insérée dans un cadre à fond bleu. Une petite lettrine Q sur fond d'or est en partie dissimulée par la main de la restauratrice.

Dépoussiérage des feuillets à l’aide d’un chiffon doux.

La main d'une restauratrice passe un pinceau dans le fond de cahier d'un manuscrit du 12e siècle ouvert à 120 degrés. Deux lettrines P apparaissent sur la page droite, de couleurs bleu, rouge et or. Trou circulaire en marge droite de la page droite, et taches de coulure brunes sur la page gauche.

Dépoussiérage des fonds de cahier à l’aide d’un pinceau.

Mises à plat de feuillets

Des remises à plat de feuillets ont parfois été nécessaires lorsque des plis s’étaient formés sur la zone de texte. Matériau hygroscopique, le parchemin a une importante capacité d'absorption et de désorption de l'humidité présente dans l’air, ce qui favorise ce type de déformations. Celles-ci peuvent également résulter de mauvaises manipulations ou conditions de stockage.

Une caisse de bois de hauteur de 10 cm est vue depuis le dessus, son fond est couvert de papier blanc, sur lequel est posé un double feuillet de parchemin à côté duquel est posée un gobelet de verre contenant un fond d'eau. C'est une chambre d'humidification. Le double feuillet présente un texte manuscrit dense, et sa partie droite a une large lacune au bord inférieur.

Exemple de traitement dans une chambre d’humidification.

 

 

La présence d’encres sensibles a conduit alors à la mise en œuvre d’une technique particulière permettant l’apport d’un niveau d’humidité précisément dosé afin de ne pas être préjudiciable à la stabilité des encres. Cette technique repose sur l’utilisation d’une chambre d’humidification : le document à traiter est placé dans un cadre en bois de cèdre avec une coupelle d’eau et un thermo-hygromètre  positionné à proximité afin de contrôler l’humidité ; la chambre est ensuite fermée hermétiquement à l’aide d’une plaque en plexiglas ; le document y est maintenu durant plusieurs heures, le temps de traitement variant en fonction des caractéristiques du parchemin et de son état de conservation ; le document est ensuite extrait de la chambre et mis à plat sous tension à l’aide d’aimants puis sous feutre et sous poids durant la phase de séchage ; une fois l’apport d’humidité résorbé, le feuillet conserve sa planéité. Ce protocole, qui ne peut être appliqué qu’à des feuillets volants, a été adapté aux feuillets reliés : dans ce cas, une petite chambre d’humidification mobile en plexiglass est posée sur le feuillet, l’humidité étant, alors amenée par un buvard humide maintenu sur la partie haute de la chambre.

 

Gros plan sur une page du Ms 151 montant une chambre d'humidification posée sur le haut de la page: cube transparent aux angles blancs portant sur un côté un thermohygromètre affichant les mesures 23° et 57% d'humidité. En haut de la colonne gauche de texte, une lettrine P historiée montrant un saint ou un apôtre en train d'écrire. Titre courant rouge et bleu et lettrines filigranées en deuxième colonne.

Chambre d’humidification mobile utilisée sur le MS 151.

Haut du même feuillet du Ms 151 montrant de profonds plis obliques parallèles entre eux sur la partie supérieure droite, avant l'intervention de la restauratrice.  haut de la colonne gauche de texte, une lettrine P historiée montrant un homme en train d'écrire. Titre courant rouge et bleu "PROLOGUS" et lettrines filigranées en deuxième colonne.

MS 151 avant intervention – Plis sur le premier feuillet.

Haut du même feuillet du Ms 151 montrant que les plis obliques de la partie supérieure droite sont désormais très atténués après l'intervention de la restauratrice.  haut de la colonne gauche de texte, une lettrine P historiée montrant un homme en train d'écrire. Titre courant rouge et bleu "PROLOGUS" et lettrines filigranées en deuxième colonne.

MS 151 après intervention – Réduction des plis.

Confection de nouvelles reliures de conservation

Enfin, parmi les manuscrits qui ne possédaient plus leurs reliures médiévales d’origine, un démontage de la reliure de remplacement, dépourvue d’intérêt historique, a été décidé dans trois cas afin de permettre une numérisation véritablement satisfaisante.  Les trois manuscrits concernés (MS 19, MS 24 et MS 175) font partie d’une série nombreuse de manuscrits conservés à la BIS, ayant reçu à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle des reliures dites « de bibliothèque » présentant le double inconvénient de mal s’ouvrir - rendant ainsi inaccessibles certains éléments textuels ou de décor situés dans les marges intérieures - et d’avoir été réalisées à partir de matériaux de mauvaise qualité et selon des techniques qui paraissent aujourd’hui préjudiciables à la conservation des corps d’ouvrage anciens (gardes acides en contact direct avec les feuillets manuscrits, dos très encollés, coutures extrêmement serrées). Afin de libérer les feuillets manuscrits de ce carcan, ces reliures ont donc été déposées pour être remplacées par des reliures dites « de conservation », répondant à la fois au besoin de conservation, par le recours à des matériaux adaptés, et au besoin de consultation (et ici de numérisation), par la mise en œuvre de techniques de reliure garantissant une bonne ouverture du corps d’ouvrage et par voie de conséquence un accès complet au texte et aux éléments de décor. 

Pour ce faire, les restauratrices de l’atelier ont pu s’appuyer sur l’expérience acquise ces dernières années à l’occasion d’opérations similaires, pratiquées notamment sur les manuscrits MS 18, MS 31, MS 166-167 et MS 170. A l’instar de ces précédents, il s’est agi de réaliser une nouvelle reliure en utilisant les techniques médiévales adaptées aux caractéristiques des corps d’ouvrage des XIIe (MS 175), XIIIe (MS 24) et XIVe (MS 19) siècles tout en satisfaisant aux exigences actuelles de conservation.

Le Ms 175 montré debout côté dos et plat supérieur du dessus, permettant de voir la tranche supérieure, couvert de sa nouvelle reliure de conservation de cuir blanc sans décor.

Nouvelle reliure de conservation (MS 175).

Premier feuillet du Ms 175 vu du dessus, montrant le texte en deux colonnes et une large lettrine P à rinceaux rouges et verts, une phrase d'incipit en rouge, et un paragraphe en milieu de première colonne en rouge. Au bas du feuillet, le cachet de l'ancien collège Louis-le-Grand et une cote N. 48 inscrite au dix-huitième siècle.

Premier feuillet après traitement (MS 175).

Le Ms 175 ouvert aux feuillets 127 verso et 128 recto montrant leur courbure importante qui dissimule le texte au centre de la page. Une large lettrine P à rinceaux occupe le haut de la deuxième colonne du feuillet 127 et presque tout l'intervalle entre les deux colonnes de la page. Quelques annotations marginales sur la page gauche.

Problème de lisibilité du texte avant traitement (MS 175, f. 127v-128r).

Après traitement (MS 175, f. 127v-128r).

Après démontage et nettoyage des résidus d’adhésif sur les fonds de cahiers, une couture à chevron sur concertina (accordéon de papier venant chemiser les fonds de cahiers afin de les protéger de tout apport d’adhésif) a permis de lier de nouveau les cahiers entre eux. Des ais, planches de bois servant de plats à la reliure, ont ensuite été façonnés dans du hêtre. Un passage des supports de couture par les chants a été privilégié. Des fentes ont été ménagées dans les planches pour permettre les passages des lanières de cuir tannées à l’alun. Elles ont ensuite été bloquées par des chevilles en bois.

Ensemble des opérations réalisées sur le manuscrit MS 19

1. Dos de la reliure avant démontage (MS 19)
2. Démontage de la reliure (MS 19)
3. Nettoyage du dos (MS 19)
4. Bloc-texte démonté et consolidé (MS 19)
5. Réalisation d’une nouvelle couture (MS 19)
6. Réalisation d'un bâti sur une lanière de peau à l'alun lors de la couture (MS 19)
7. Découpe des nouveaux ais (MS 19)
8. Façonnage des fentes de la passure (MS 19)
9. Passage des nouveaux supports de couture dans les fentes (MS 19)
10. Blocage des supports de couture à l'aide de chevilles de bois (MS 19)
11. Vue de la reliure après l'étape de chevillage (MS 19)
12. Vue de la passure du contre-plat supérieur (MS 19)
13. Reliure de conservation avant la couvrure (MS 19)
14. Le manuscrit MS 175 dans sa reliure de bibliothèque avant traitement
15. Vue de la reliure de bibliothèque après traitement (MS 19)
Ms 19 posé sur un support noir et ouvert au milieu, montrant la profonde courbure des feuillets causée par la reliure du dix-neuvième siècle. Une mire est posée devant le support. On aperçoit les 4 colonnes de texte des pages gauche et droite, celles intérieures en  partie dissimulées par la courbure.

Ouverture du manuscrit avant intervention (MS 19).

Le même Ms 19 posé sur un support et ouvert à angle 170 degrés, désormais pourvu d'une reliure de conservation de type médiéval, sur ais de bois, et montrant que la nouvelle couture de cuir blanc bien visible élimine toute courbure des feuillets. Les marges intérieures sont entièrement visibles.

Ouverture du manuscrit après intervention (MS 19).