Les techniques mises en œuvre pour améliorer la lisibilité des documents
Dépoussiérage et gommage
Les opérations les plus courantes ont consisté à dépoussiérer et gommer tout ou partie des feuillets constitutifs des corps d’ouvrage. Elles ont été réalisées à l’aide d’équipements (pinceaux, chiffons, brosses et aspirateurs spécifiques) et de matériaux (gommes en bloc ou en poudre), exempts de substances ou résidus nocifs, non abrasifs et adaptés à la fragilité des documents.
Mises à plat de feuillets
Des remises à plat de feuillets ont parfois été nécessaires lorsque des plis s’étaient formés sur la zone de texte. Matériau hygroscopique, le parchemin a une importante capacité d'absorption et de désorption de l'humidité présente dans l’air, ce qui favorise ce type de déformations. Celles-ci peuvent également résulter de mauvaises manipulations ou conditions de stockage.
La présence d’encres sensibles a conduit alors à la mise en œuvre d’une technique particulière permettant l’apport d’un niveau d’humidité précisément dosé afin de ne pas être préjudiciable à la stabilité des encres. Cette technique repose sur l’utilisation d’une chambre d’humidification : le document à traiter est placé dans un cadre en bois de cèdre avec une coupelle d’eau et un thermo-hygromètre positionné à proximité afin de contrôler l’humidité ; la chambre est ensuite fermée hermétiquement à l’aide d’une plaque en plexiglas ; le document y est maintenu durant plusieurs heures, le temps de traitement variant en fonction des caractéristiques du parchemin et de son état de conservation ; le document est ensuite extrait de la chambre et mis à plat sous tension à l’aide d’aimants puis sous feutre et sous poids durant la phase de séchage ; une fois l’apport d’humidité résorbé, le feuillet conserve sa planéité. Ce protocole, qui ne peut être appliqué qu’à des feuillets volants, a été adapté aux feuillets reliés : dans ce cas, une petite chambre d’humidification mobile en plexiglass est posée sur le feuillet, l’humidité étant, alors amenée par un buvard humide maintenu sur la partie haute de la chambre.
Confection de nouvelles reliures de conservation
Enfin, parmi les manuscrits qui ne possédaient plus leurs reliures médiévales d’origine, un démontage de la reliure de remplacement, dépourvue d’intérêt historique, a été décidé dans trois cas afin de permettre une numérisation véritablement satisfaisante. Les trois manuscrits concernés (MS 19, MS 24 et MS 175) font partie d’une série nombreuse de manuscrits conservés à la BIS, ayant reçu à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle des reliures dites « de bibliothèque » présentant le double inconvénient de mal s’ouvrir - rendant ainsi inaccessibles certains éléments textuels ou de décor situés dans les marges intérieures - et d’avoir été réalisées à partir de matériaux de mauvaise qualité et selon des techniques qui paraissent aujourd’hui préjudiciables à la conservation des corps d’ouvrage anciens (gardes acides en contact direct avec les feuillets manuscrits, dos très encollés, coutures extrêmement serrées). Afin de libérer les feuillets manuscrits de ce carcan, ces reliures ont donc été déposées pour être remplacées par des reliures dites « de conservation », répondant à la fois au besoin de conservation, par le recours à des matériaux adaptés, et au besoin de consultation (et ici de numérisation), par la mise en œuvre de techniques de reliure garantissant une bonne ouverture du corps d’ouvrage et par voie de conséquence un accès complet au texte et aux éléments de décor.
Pour ce faire, les restauratrices de l’atelier ont pu s’appuyer sur l’expérience acquise ces dernières années à l’occasion d’opérations similaires, pratiquées notamment sur les manuscrits MS 18, MS 31, MS 166-167 et MS 170. A l’instar de ces précédents, il s’est agi de réaliser une nouvelle reliure en utilisant les techniques médiévales adaptées aux caractéristiques des corps d’ouvrage des XIIe (MS 175), XIIIe (MS 24) et XIVe (MS 19) siècles tout en satisfaisant aux exigences actuelles de conservation.
Après démontage et nettoyage des résidus d’adhésif sur les fonds de cahiers, une couture à chevron sur concertina (accordéon de papier venant chemiser les fonds de cahiers afin de les protéger de tout apport d’adhésif) a permis de lier de nouveau les cahiers entre eux. Des ais, planches de bois servant de plats à la reliure, ont ensuite été façonnés dans du hêtre. Un passage des supports de couture par les chants a été privilégié. Des fentes ont été ménagées dans les planches pour permettre les passages des lanières de cuir tannées à l’alun. Elles ont ensuite été bloquées par des chevilles en bois.
Ensemble des opérations réalisées sur le manuscrit MS 19
2. Démontage de la reliure (MS 19)
3. Nettoyage du dos (MS 19)
4. Bloc-texte démonté et consolidé (MS 19)
5. Réalisation d’une nouvelle couture (MS 19)
6. Réalisation d'un bâti sur une lanière de peau à l'alun lors de la couture (MS 19)
7. Découpe des nouveaux ais (MS 19)
8. Façonnage des fentes de la passure (MS 19)
10. Blocage des supports de couture à l'aide de chevilles de bois (MS 19)
11. Vue de la reliure après l'étape de chevillage (MS 19)
12. Vue de la passure du contre-plat supérieur (MS 19)
13. Reliure de conservation avant la couvrure (MS 19)
14. Le manuscrit MS 175 dans sa reliure de bibliothèque avant traitement
15. Vue de la reliure de bibliothèque après traitement (MS 19)