Pratiques et procédés d'un médium omniprésent
Une industrie culturelle majeure
La Pochette de la Marraine, fascicule explicatif, 1914
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Au début des années 1910, on produit en France chaque année environ 800 millions de cartes postales. Les dessinateurs convoqués par l’industrie de la carte postale, en particulier par les grosses maisons d’édition, sont des illustrateurs et affichistes renommés, déjà omniprésents dans la presse illustrée ou satirique, comme Abel Faivre (1867-1945), Francisque Poulbot (1879-1946), Adolphe Willette (1857-1929), Hansi (1873-1951), Georges Scott (1873-1943) ou encore Lucien Laforge (1889-1952). Les illustrations de ces artistes parviennent à fixer une certaine représentation de la guerre dans les mentalités. Certaines de ces cartes, du fait qu’elles sont réalisées par des artistes reconnus, sont produites sous forme de séries de gravures fines à tirages limités et sont vouées à devenir des objets de collection. Ces cartes ne sont pas de prime abord destinées à soutenir une correspondance.
Lundi, Lucien Laforge, 1914
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La Pochette de la Marraine est une de ces séries de collection, considérée par ses éditeurs comme "inédite" et "précieuse à conserver". Chaque pochette met en avant le travail d'un jeune artiste français mobilisé. Elle est imprimée sur un papier de qualité et, à travers un ensemble de sept cartes, illustre la semaine de permission du soldat qui retrouve sa marraine de guerre.
Si Lucien Laforge (1889-1952), illustrateur pacifiste et proche des courants anarchistes, reproduit dans sa pochette l'iconographie traditionnelle des tirailleurs sénégalais à cette époque, il innove en présentant son personnage sous un jour nouveau, menant une vie mondaine parisienne pendant sa permission.
I. Atto della Danza Macabra Europea, Alberto Martini
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La série de cartes postales réalisées par l’artiste italien Alberto Martini (1876-1954) en 1915, intitulée Danza Macabra Europea (La Danse Macabre), fait également partie d'un type de cartes d'artiste à collectionner. Il s’agit de 54 cartes postales particulièrement sinistres, qui dépeignent l’atmosphère mortifère qui s’abat sur l’Europe dès 1914, et proposent une satire acérée et antimilitariste de l’impérialisme germanique par un ensemble de cartes postales narratives numérotées, dans laquelle on retrouve la singularité du trait de l’artiste.
La carte n°32, intitulée Il Suicidio Europeo (Le Suicide Européen), représente l'Europe comme un monstre polycéphale se dévorant lui-même, tandis que les autres nations (Etats-Unis, Belgique, Turquie, Japon) contemplent sa danse de la mort.
Sur la dernière carte de la série, le monstre est détruit suite à l'explosion suscitée par un bâton portant l'inscription "Alleanza" (Alliance).